La rupture conventionnelle représente une solution moderne et flexible pour mettre fin à un contrat de travail à durée indéterminée (CDI) d’un commun accord entre l’employeur et le salarié. Contrairement à une démission ou un licenciement, elle offre un cadre légal qui protège les intérêts des deux parties. Cet article vous guide pas à pas dans la rédaction d’une lettre de rupture conventionnelle efficace, conforme aux exigences légales et qui maximise vos chances d’obtenir l’homologation nécessaire.

Sommaire

  1. Comprendre la rupture conventionnelle
  2. Cadre juridique et conditions préalables
  3. Étapes préparatoires avant la rédaction
  4. Structure et contenu de la lettre
  5. Modèles et exemples
  6. Erreurs à éviter
  7. Procédure post-rédaction
  8. Questions fréquemment posées

Comprendre la rupture conventionnelle

Définition et principes fondamentaux

La rupture conventionnelle, introduite par la loi de modernisation du marché du travail du 25 juin 2008, est un dispositif permettant à l’employeur et au salarié de convenir d’un commun accord des conditions de la rupture du contrat de travail à durée indéterminée qui les lie. Cette procédure se distingue du licenciement et de la démission par son caractère consensuel et négocié.

L’objectif principal de ce dispositif est d’offrir une solution amiable qui sécurise la séparation professionnelle tout en préservant les droits du salarié, notamment l’accès aux allocations chômage, et en garantissant à l’employeur une rupture sans risque majeur de contestation ultérieure.

Avantages pour les deux parties

Pour le salarié :

  • Accès aux allocations chômage (contrairement à une démission simple)
  • Versement d’une indemnité de rupture conventionnelle au moins égale à l’indemnité légale de licenciement
  • Transition professionnelle moins conflictuelle
  • Possibilité de négocier des conditions de départ avantageuses

Pour l’employeur :

  • Réduction du risque de contentieux futur
  • Gestion prévisible des départs
  • Préservation de relations cordiales avec les anciens salariés
  • Flexibilité dans la réorganisation des équipes

Cadre juridique et conditions préalables

Textes de référence

La rupture conventionnelle est encadrée par plusieurs textes législatifs et réglementaires :

  • Articles L.1237-11 à L.1237-16 du Code du travail
  • Articles R.1237-3 à R.1237-6 du Code du travail
  • Arrêté du 8 février 2012 fixant les modèles de demande d’homologation

Ces textes définissent précisément les droits et obligations de chaque partie, ainsi que la procédure à suivre pour que la rupture conventionnelle soit valide.

Conditions d’éligibilité

Pour pouvoir recourir à la rupture conventionnelle, certaines conditions préalables doivent être remplies :

  1. Type de contrat : Uniquement applicable aux contrats à durée indéterminée (CDI)
  2. Consentement mutuel : L’accord des deux parties est impératif, sans pression ni contrainte
  3. Exclusions spécifiques : La rupture conventionnelle n’est pas applicable dans certains contextes comme :
    • Dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE)
    • Pour contourner les règles protectrices liées à certaines situations (accident du travail, maladie professionnelle, etc.)
    • Durant certaines périodes de suspension du contrat de travail

Droits garantis au salarié

La loi prévoit plusieurs garanties pour le salarié :

  • Une indemnité spécifique de rupture conventionnelle au moins égale à l’indemnité légale de licenciement
  • Le droit à un entretien préalable
  • Un délai de rétractation de 15 jours calendaires
  • Le maintien de la couverture sociale jusqu’à la date de rupture effective
  • L’accès aux allocations chômage (sous réserve des conditions habituelles d’éligibilité)

Étapes préparatoires avant la rédaction

Réflexion personnelle et professionnelle

Avant d’entamer les démarches de rupture conventionnelle, il est essentiel de :

  • Clarifier vos motivations personnelles et professionnelles
  • Évaluer les conséquences financières et professionnelles à court et moyen terme
  • Vérifier que votre situation permet effectivement le recours à la rupture conventionnelle
  • Préparer un argumentaire solide pour la négociation

Préparation à la négociation

Une négociation réussie nécessite une préparation minutieuse :

  1. Recherchez des informations sur les pratiques de votre entreprise : montants habituels des indemnités, préavis, etc.
  2. Calculez le montant minimum de votre indemnité légale selon votre ancienneté et votre rémunération
  3. Définissez vos objectifs de négociation : indemnité souhaitée, date de départ idéale, clauses particulières
  4. Anticipez les questions et objections que pourrait soulever votre employeur

Calendrier optimal

Le choix du moment pour initier la démarche n’est pas anodin :

  • Évitez les périodes de forte activité ou de tension dans l’entreprise
  • Tenez compte des délais légaux (15 jours de rétractation + délai d’instruction)
  • Considérez l’impact de la date de fin de contrat sur vos droits sociaux (chômage, mutuelle, retraite)
  • Prenez en compte le calendrier fiscal personnel pour optimiser la réception de l’indemnité

Structure et contenu de la lettre

Format général et présentation

Si la loi n’impose pas de formalisme particulier pour la lettre initiant la rupture conventionnelle, certaines règles de présentation sont recommandées :

  • Format professionnel avec en-tête comportant vos coordonnées complètes
  • Police claire et lisible, mise en page aérée
  • Pagination si le document comporte plusieurs pages
  • Datation précise du document
  • Références éventuelles à d’autres documents (contrat de travail, convention collective)

Éléments essentiels à inclure

Votre lettre doit impérativement contenir :

  1. Informations d’identification :
    • Vos nom, prénom, adresse, fonction
    • Les coordonnées de l’entreprise et de son représentant légal
    • Votre numéro de sécurité sociale (utile pour le traitement administratif)
  2. Objet explicite : « Demande de rupture conventionnelle du contrat de travail à durée indéterminée »
  3. Corps de la lettre contenant :
    • L’expression claire de votre volonté de conclure une rupture conventionnelle
    • La référence aux articles L.1237-11 et suivants du Code du travail
    • La demande d’un entretien pour discuter des modalités de cette rupture
  4. Formule de politesse adaptée au contexte professionnel
  5. Signature manuscrite

Ton et formulation

Le ton adopté dans votre lettre est crucial :

  • Restez professionnel et courtois, quelle que soit la situation
  • Évitez toute formulation qui pourrait être interprétée comme agressive ou accusatoire
  • Privilégiez les tournures neutres et factuelles
  • N’entrez pas dans les détails des raisons personnelles de votre départ

Propositions spécifiques

Sans être obligatoire, il peut être stratégique d’inclure certaines propositions concernant :

  • Une date indicative souhaitée pour la fin du contrat
  • Des disponibilités pour l’entretien préalable
  • Une mention concernant votre engagement durant la période de préavis éventuelle
  • Une évocation de la transition professionnelle (passation de dossiers, formation du remplaçant)

Modèles et exemples

Lettre de demande initiale par le salarié

[Vos nom et prénom]
[Votre adresse]
[Votre code postal et ville]
[Votre numéro de téléphone]
[Votre email]

À [Ville], le [Date]

[Nom de l'entreprise]
[Adresse de l'entreprise]
[Code postal et ville]

À l'attention de [Nom du destinataire, généralement le responsable RH ou le directeur]

Objet : Demande de rupture conventionnelle de contrat de travail à durée indéterminée

Madame, Monsieur,

Employé(e) au sein de votre entreprise depuis le [date d'embauche] en qualité de [intitulé de votre poste], je me permets de vous adresser par la présente une demande de rupture conventionnelle de mon contrat de travail à durée indéterminée, conformément aux dispositions des articles L.1237-11 et suivants du Code du travail.

Je souhaiterais pouvoir vous rencontrer afin de discuter des modalités de cette rupture conventionnelle, notamment concernant la date envisagée de fin de contrat et le montant de l'indemnité spécifique de rupture.

Je vous propose de me recevoir à votre convenance, aux dates suivantes : [proposer plusieurs créneaux].

Dans l'attente de votre réponse, je vous prie d'agréer, Madame, Monsieur, l'expression de mes salutations distinguées.

[Signature]
[Votre nom et prénom]

Lettre de demande initiale par l’employeur

[En-tête de l'entreprise]
[Adresse de l'entreprise]
[Code postal et ville]

[Ville], le [Date]

[Nom et prénom du salarié]
[Adresse du salarié]
[Code postal et ville]

Objet : Proposition de rupture conventionnelle

Madame, Monsieur,

Par la présente, nous vous proposons d'envisager une rupture conventionnelle de votre contrat de travail à durée indéterminée, conformément aux dispositions des articles L.1237-11 et suivants du Code du travail.

Nous souhaiterions vous rencontrer lors d'un entretien afin de discuter ensemble des modalités de cette rupture conventionnelle, notamment concernant la date de fin de contrat et le montant de l'indemnité spécifique de rupture.

Nous vous proposons de fixer cet entretien le [date] à [heure] dans les locaux de l'entreprise. Veuillez nous confirmer votre disponibilité ou nous proposer d'autres dates qui vous conviendraient mieux.

Nous vous rappelons que vous avez la possibilité de vous faire assister lors de cet entretien par une personne de votre choix appartenant au personnel de l'entreprise ou, en l'absence d'institutions représentatives du personnel, par un conseiller de votre choix inscrit sur une liste établie par l'autorité administrative.

Dans l'attente de votre réponse, nous vous prions d'agréer, Madame, Monsieur, l'expression de nos salutations distinguées.

[Signature]
[Nom et fonction du signataire]

Lettre de confirmation après entretien

[Vos nom et prénom]
[Votre adresse]
[Votre code postal et ville]
[Votre numéro de téléphone]
[Votre email]

À [Ville], le [Date]

[Nom de l'entreprise]
[Adresse de l'entreprise]
[Code postal et ville]

À l'attention de [Nom du destinataire]

Objet : Confirmation de notre accord sur le principe d'une rupture conventionnelle

Madame, Monsieur,

Suite à notre entretien du [date de l'entretien] concernant ma demande de rupture conventionnelle, je vous confirme par la présente mon accord sur le principe de cette rupture.

Conformément à ce que nous avons évoqué lors de notre échange, je note que les modalités suivantes ont été abordées :
- Date envisagée de fin de contrat : [date]
- Montant proposé pour l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle : [montant] euros bruts
- [Autres éléments éventuellement discutés : préavis, congés restants, etc.]

Je reste disponible pour la signature du formulaire officiel de rupture conventionnelle (Cerfa n°14598*01) qui formalisera notre accord.

Je vous prie d'agréer, Madame, Monsieur, l'expression de mes salutations distinguées.

[Signature]
[Votre nom et prénom]

Erreurs à éviter

Pièges de rédaction courants

Plusieurs erreurs peuvent fragiliser votre demande ou compliquer la procédure :

  1. Mentionner des griefs ou reproches : La rupture conventionnelle doit rester neutre et consensuelle. Évitez toute formulation qui pourrait être interprétée comme attestant d’un différend.
  2. Utiliser des termes juridiquement inadaptés : Ne parlez pas de « licenciement » ou de « démission » dans votre lettre de rupture conventionnelle.
  3. Indiquer une date ferme de départ : À ce stade, il est préférable d’évoquer une période indicative plutôt qu’une date précise, qui devra être déterminée en tenant compte des délais légaux.
  4. Évoquer des problèmes de santé liés au travail : Cela pourrait amener l’administration à refuser l’homologation, considérant que d’autres procédures seraient plus adaptées.
  5. Manquer de professionnalisme dans le ton : Quelle que soit la situation émotionnelle, gardez un ton neutre et professionnel.

Formulations à proscrire

Évitez absolument les formulations comme :

  • « Suite aux difficultés rencontrées dans notre collaboration… »
  • « En raison du stress et de la pression subis… »
  • « Compte tenu du harcèlement dont j’ai été victime… »
  • « Devant l’impossibilité de poursuivre ma carrière dans votre entreprise… »
  • « Après les nombreux désaccords professionnels… »

Vérifications cruciales avant envoi

Avant d’envoyer votre lettre, assurez-vous de :

  • Vérifier l’exactitude de toutes les informations administratives
  • Contrôler les références aux textes légaux
  • Relire attentivement pour éliminer toute formulation ambiguë
  • Conserver une copie datée et signée de votre courrier
  • Choisir un mode d’envoi permettant de prouver la réception (LRAR, remise en main propre contre décharge)

Procédure post-rédaction

Suivi de la demande

Après l’envoi de votre lettre :

  1. Gardez trace des échanges : conservez tout email ou document relatif à la procédure
  2. Préparez-vous à l’entretien en listant vos questions et points de négociation
  3. Respectez le calendrier des rendez-vous fixés
  4. Restez disponible et réactif pour faciliter le processus

Étapes administratives ultérieures

La lettre n’est que la première étape d’un processus qui comprend :

  1. L’entretien préalable où seront discutées les modalités de la rupture
  2. La signature du formulaire Cerfa (n°14598*01 pour les salariés non protégés) qui formalise l’accord
  3. Le délai de rétractation de 15 jours calendaires à compter de la signature
  4. La demande d’homologation auprès de la DREETS (ex-DIRECCTE) par la partie la plus diligente
  5. Le délai d’instruction de 15 jours ouvrables dont dispose l’administration pour homologuer ou refuser la convention

Documents complémentaires à préparer

En parallèle de votre lettre, anticipez la préparation de :

  • Une attestation employeur (par l’employeur)
  • Un certificat de travail (par l’employeur)
  • Un reçu pour solde de tout compte (par l’employeur)
  • Votre dossier de demande d’allocations chômage (par le salarié)

Questions fréquemment posées

Peut-on négocier après l’envoi de la lettre ?

Oui, la lettre initiale n’est qu’une demande d’ouverture de négociation. Tous les éléments (indemnité, date de départ, etc.) peuvent être discutés lors des entretiens qui suivront. C’est seulement le formulaire Cerfa signé par les deux parties qui fixera définitivement les conditions de la rupture.

Est-il possible de se rétracter ?

Après la signature de la convention de rupture conventionnelle, chaque partie dispose d’un délai de rétractation de 15 jours calendaires. La rétractation doit être formalisée par écrit, idéalement par lettre recommandée avec accusé de réception.

Que faire en cas de refus d’homologation ?

Si l’administration refuse d’homologuer la convention, plusieurs options sont possibles :

  • Corriger les éléments problématiques et soumettre une nouvelle demande
  • Contester la décision devant le Conseil de Prud’hommes dans un délai de 12 mois
  • Envisager d’autres modes de rupture du contrat de travail

Comment calculer l’indemnité minimale ?

L’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ne peut être inférieure à l’indemnité légale de licenciement, calculée comme suit :

  • 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à 10 ans
  • 1/3 de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années au-delà de 10 ans

Le salaire de référence est la moyenne mensuelle des 12 derniers mois ou des 3 derniers mois (la formule la plus avantageuse pour le salarié étant retenue).

La rédaction d’une lettre de rupture conventionnelle est une étape importante qui, bien que simple en apparence, mérite une attention particulière. Une lettre bien formulée facilite l’ensemble du processus et contribue à créer un climat propice à une négociation sereine et équilibrée.

En suivant méthodiquement les conseils de ce guide, vous maximiserez vos chances d’aboutir à un accord satisfaisant pour les deux parties et conforme aux exigences légales. N’oubliez pas que l’objectif de la rupture conventionnelle est précisément de permettre une séparation harmonieuse, dans le respect des intérêts de chacun.

Si votre situation présente des particularités ou des complexités, n’hésitez pas à consulter un professionnel du droit du travail qui pourra vous apporter un conseil personnalisé adapté à votre cas spécifique.